CULTURE A CHLEF - EL ASNAM -

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Chronique d'un terrien par Farah Maamar (Soir d'Algérie)

Chronique du jour : CHRONIQUE D'UN TERRIEN
Pour réussir, il faut être incompétent et lécheur de bottes
Par Maâmar FARAH
farahmaamar@yahoo.fr

C'était fin 2003...Face à la grève des enseignants qui revendiquent courageusement leurs droits, M.Benbouzid menace et refuse de discuter avec un syndical "non légal". Aux premiers balbutiements de ce qui deviendra le mouvement de protestation le plus important depuis l'indépendance du pays, nous avions adhéré totalement à cette action salutaire qui prouve qu'il y a encore des hommes dans ce pays...Revoici notre chronique du 4 décembre 2003. Sept année déjà ! La lutte des braves paie toujours...
Lorsqu'on fait la comparaison avec les pays voisins, on remarque que ce qui manque à l'Algérie, ce ne sont ni les richesses naturelles (bien au contraire !), ni les cadres, ni les moyens de promouvoir l'économie et améliorer les conditions sociales des Algériens. Non, notre problème est ailleurs : nous avons pris pour habitude de mettre aux postes de responsabilité ceux qui sont les moins compétents par la grâce d'un système absurde qui élimine les meilleurs pour ne laisser filtrer que ceux par qui la catastrophe arrive ! Combien sont-ils ces cadres brillants et intègres qui feraient le bonheur de n'importe quelle firme à l'étranger, qui dirigeraient n'importe quel secteur en France ou en Allemagne et qui végètent dans une retraite anticipée sans avoir eu le temps de faire preuve de toutes leurs compétences ? Nous avons inversé la pyramide : pour réussir, il faut surtout ne pas montrer ce dont on est capable ! Il faut tricher, jouer à l'imbécile, ne jamais faire de remarques au chef, même quand il se trompe lourdement. Si vous vous faites remarquer par votre intelligence, votre sérieux au travail, votre hargne à réaliser de bons résultats, à corriger les erreurs de vos supérieurs, vous êtes bons pour le placard. La clé de la réussite, certains l'ont trouvée avant vous : il faut aduler les chefs même quand ils n'ont pas de cervelle, il faut faire le minimum au boulot et ne jamais montrer qu'on est brillant (si on l'est réellement toutefois). Comme il est nécessaire de faire preuve de subordination, de docilité et de servilité. Plus on est obéissant et résigné, plus on est dominé, mieux on est vu par ses supérieurs. Un tel comportement vous vaudra des augmentations sensibles de salaire et un avancement conséquent dans votre carrière. Assurément, ce chemin n'est pas celui des hommes dignes et intègres. Mieux vaut crever la dalle que de lécher les bottes d'un supérieur ! Ce chemin mène aux gloires éphémères, aux richesses mal acquises et aux bonheurs superficiels. Il ne mène jamais à la quiétude de l'âme et à la sérénité véritable qui naissent d'une conduite honorable et d'une respectabilité à toute épreuve. Souvent, les gens ordinaires vous disent à propos des occasions «ratées» : «Qu'est-ce que vous avez gagné ? Regardez F'len, il n'a pas cherché midi à quatorze heures. Il a profité de toutes les occasions. Aujourd'hui, il est milliardaire !» La belle affaire ! Si nous devons tous prendre pour modèle ce genre de «réussite », nous ne serions plus qu'un peuple de larbins, cherchant par n'importe quel moyen à amasser des sous, encore des sous, rien que des sous. Dans l'affaire de la grève des professeurs de lycée, il est malheureux d'entendre le ministre à vie de l'Education répéter à l'infini et marteler : «Nous avons augmenté les professeurs de lycées ! Nous leurs avons accordé 5 000 DA ! C'est la plus importante augmentation depuis l'indépendance…» Benbouzid n'a rien compris au coup de gueule des profs. S'il est vrai que la question des salaires figurait en bonne place dans les revendications des grévistes, rien, absolument rien ne montrait qu'une augmentation mensuelle équivalant au prix de cinq kilogrammes de beefsteak allait suffire à stopper un mouvement dont les motivations sont beaucoup plus profondes qu'une simple affaire de sous. Les grévistes avaient besoin d'un geste, d'un seul geste pour mettre fin à leur arrêt de travail et participer positivement au dialogue. Ce geste, ou on le fait ou on refuse de le faire. Il n'y a pas trente-six solutions. Ou l'on accepte l'autre, en lui reconnaissant le droit d'exister, ou on lui ferme la porte. Ou l'on est conscient de la nécessité de traiter avec lui d'égal à égal, dans le respect mutuel et la dignité ou l'on va jouer aux billes. Ce qui a été fait est la pire des solutions. Alors que 50 000 professeurs étaient en grève sous la conduite du Cnapest, le ministère de l'Education est allé chercher des syndicats non représentatifs pour «dialoguer» et «trouver une issue à la grève». Le scénario de série B concocté dans les laboratoires de la malfaçon déboucha sur des entrevues entre les décideurs et des personnes qui ne représentaient qu'elles-mêmes ! On ne pouvait pas faire mieux dans le style surréaliste. Et pourtant, la très officielle ENTV va habiller le tout d'un réalisme époustouflant ! L'épisode le plus croustillant fut celui de la FNTE — rappelée à la rescousse pour «couvrir» la grève en dernière minute — annonçant la reprise des cours après avoir «obtenu gain de cause». Mais enfin soyons sérieux ! Les responsables concernés pensaient-ils vraiment qu'une aussi grosse ficelle allait dénouer la crise ? S'ils en avaient la conviction, c'est qu'ils devaient prendre les enseignants pour des demeurés. Ou alors, c'est tout ce dont ils sont capables et ce serait vraiment navrant d'être dirigés par des gens aussi peu malins ! Car c'était là très exactement le meilleur moyen de faire durer la grève. Les grévistes avaient besoin d'être reconnus en tant que tels, et c'était là une condition première pour sortir du pétrin. Dans n'importe quel pays, lorsqu'il y a une grève qui risque de paralyser un secteur vital, on va tout de suite vers les meneurs pour discuter avec eux, connaître leurs revendications et trouver un terrain d'entente. Les chefs qui agissent ainsi ont un sens aigu de leur devoir de responsable puisqu'ils mettent de côté toutes les susceptibilités et n'ont qu'un objectif : dénouer la crise. Devant l'urgence d'une solution salutaire pour tout le monde, ils savent éviter les pièges de l'amour-propre déplacé car ils ne sont pas gravement atteints d'autoritarisme. Il faut vraiment être malade pour aller chercher dans les méandres d'un légalisme douteux si le Cnapest est autorisé ou pas ! Lorsque les autorités françaises avaient discuté avec la Coordination des lycéens, née dans le feu d'un mouvement radical, personne n'avait posé la question de savoir si cette coordination disposait d'un agrément ou pas, l'essentiel étant de circonscrire l'incendie par tous les moyens. Cela s'appelle de la compétence, et cette volonté naît tout simplement dans les têtes bien pensantes des gens qui sont payés pour faire marcher la machine et non pour compliquer les choses ! Idem lorsque des camionneurs bloquent les routes dans un mouvement sauvage. Il ne viendrait à l'esprit de personne d'aller chercher si les meneurs ont un agrément ou pas ! Et d'ailleurs, même chez nous, les choses ne se passent pas toujours de la même manière : M. Ouyahia s'apprête à discuter officiellement avec les «Archs» et personne ne s'est posé la question de savoir si ce mouvement a une existence légale ou non. C'est de dignité que les gens ont besoin, Messieurs ! Cette grève aurait pu s'arrêter au deuxième jour si quelqu'un là-haut avait eu l'idée d'inviter ce Cnapest à la table des négociations. Mais en maintenant la position extrême du niet, les autorités ont donné aux professeurs l'occasion de prouver que le taghenanet (entêtement) n'est pas une exclusivité du pouvoir (…)
4 décembre 2003
PS : La Grande Harba reprendra jeudi prochain.

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Source : "Le soir d'Algérie"



07/03/2010
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