CULTURE A CHLEF - EL ASNAM -

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INTERVIEW REALISEE SUR "LE COURRIER D'ALGERIE" par Mohamed Ghriss concernant les oeuvres de Mohamed BOUDIA

Vendredi 19 - samedi 20 septembre 2008 

                         CULTURE

 

LITTÉRATURE : IL EST POURTANT L'AUTEUR D'UNE OEUVRE PROLIFIQUE

Mohamed Boudia ou l'écrivain anonyme

Mohamed Boudia, constitue l'exemple type de ces écrivains – auteurs algériens méconnus dans leurs pays, et qui comptent pourtant nombre de publications et de travaux littéraires publiés, ici ou ailleurs, dans la plupart des cas pour des raisons qu'on devine aisément. Né en 1944 à Chlef, Mohamed Boudia est un cadre de l'enseignement, actuellement en retraite, marié et père de huit enfants. Il a commencé à écrire, confie-t-il, depuis les années soixante mais il n'a pu se faire publier faute de moyens et de relations, ajoute-t-il. Face aux portes closes des maisons d'éditions locales, très exigeantes et passant outre le seuil minimal de soutien et de promotion du livre et de la vie culturelle du pays, comme cela se pratique chez des voisins maghrébins et autres contrées d'Afrique même, il a dû s'adresser à des maisons d'édition étrangères (françaises et canadiennes) pour se faire éditer. Au total,quelque huit ouvrages, entre romans et essais, qui ne sontmalheureusement pas disponibles chez les libraires algériens, l'auteur espérant que le problème puisse trouver une solution qui arrangera tout le monde. Ce ne serait que justice vis-à-vis de ces auteurs, hommes et femmes, qui ont été forcés de recourir aux éditions d'ailleurs et qui comptent,assurément parmieux , des talents non négligeables, et parfois fort surprenants. Ne dit-on pasqu'«on peut parfois trouver dans la rivière ce qu'on netrouve pas dans la mer» ! En tout cas, l'entretien auquel nous a aimablement convié Mohamed Boudia, au-delà de la modestie légendaire de l'auteur, nous a paru témoigner d'un remarquableesprit d'érudition, ouvert sur les sciences et les culturesuniverselles, sans pour autant se départir des réalitésnationales, historiques, ou des traditions et spécificités patrimoniales, etc. Au lecteur de s'en faire une petite idée àtravers cet entretien impromptu.  (Mohamed Ghriss)

Le Courrier d'Algérie : Vous êtes auteur déjà de près d'une dizaine de livres, si l'on comptabilise ceux en voie d'impression, mais beaucoup ignorent tout de vos publications. Aussi, voudriez-vous fournir aux lecteurs un aperçu sur quelques-uns de vos ouvrages ? Commençons d'abord par le livre Mémoires de Mohamed Attaf, voulez-vous ?

Mohamed Boudia : En effet, j'ai écrit plusieurs romans qui sont en ligne sur Internet et en librairie, en France et au Canada. Je peux vous en citer quelques uns avec un aperçu pourchaque ouvrage. Entre autres de ces livres tous publiés en France : Mémoiresde Mohamed Attaf, publié chez The Book Editions (Paris). Dans ce roman, il est question d'une une page de la guerre d'Algérie et la résistance face à l'occupant français. Elle relate la vraie histoire d'un jeune nationaliste, ayant fait ses premiers pas de patriotisme dans lesrangs des Scouts musulmans algériens vers les années cinquante. C'est à ce moment-là, effectivement, que prit naissance la conscience de ce jeune, qui devint par la suite un résistant de premier ordre. Il fut intégré, une première fois comme fidaï. Par malchance, il futarrêté par les services de renseignements français et torturé. Il fut par la suitecondamné par un tribunal militaire à quinze années de travaux forcés, mais ses compagnons ont écopé d'une peine plus lourde que la sienne. Certains ont même été condamnés à mort. Il s'évadade la prison où il était incarcéré et rejoint les rangs de l'ALN pour poursuivre la lutte qui devait conduire le pays à l'indépendance, un certain 5 Juillet 1962.

Le courrier d'Algérie : L'ouvrage intitulé La conque de Vénus-Ouad'â et ses sept frères, publié chez le même éditeur parisien The Book Editions, s'inspire manifestement d'une légende du terroir ?

Mohamed Boudia : Ce roman n'est effectivement pas une histoire inventée de toutes pièces par l'auteur, mais une légende qui lui a été racontée à plusieurs reprises par seS parents dans son jeune âge. Elle relate l'extraordinaire aventure d'un souverain, de sa femme, de ses enfants et de sesesclaves. L'acteur principal de cette légende étant Ouad'â, fille du souverain, et ses sept frères qui ont été éloignés par tous les moyens, par les esclaves attitrés auprès de leur mère et père. De par cette légende, l'auteur a voulu nous mettre en communication avec tous ses acteurs afin de pouvoir déceler sa conformité avec la réalité actuelle de la vie sociale et les aléas qui guettent les membres de cette société. La légende est une leçon de sociologie qui nous amène à prendre en considération toutes les petites choses qui nous passent sous le nez, jugées généralement comme futiles et qui, pourtant sont aussi essentielles que les sujets les plus importants de notre vie quotidienne. Une lecture de cette légende qui ne manquera, apparemment pas, de prendre à bras-le-corps le lecteur pour l'emmener loin des vicissitudes de la vie courante en le transportant dans un monde irréel, légendaire, fantastique par moments. A telle enseigne qu'on se croirait plongés, l'espace d'un bref intermède, dans le merveilleux univers des contes des mille et une nuits.

Le courrier d'Algérie : Le trésor de Karoune, s'inspire-til également d'une légende ?

Mohamed Boudia : Non, là il s'agit d'une histoire véridique, insolite, qui a eu lieu dans la région de Chlef. Elle a été configurée en roman par l'auteur. Elle raconte les péripéties d'une famille à la recherche d'un trésor ancien, datant de l'antéchrist. Un père et ses enfants, partis à la recherche de ce trésor, se retrouvèrent catapultés dans un monde parallèle d'où ils ne purent échapper que grâce à la perspicacité de leur père et son savoir-vivre.

Le courrier d'Algérie :Avec Un meurtre pour alibi, publié également chez le même éditeur que les précédents ouvrages évoqués, c'est  pour le thème policier que vous optez ?

Mohamed Boudia : En effet, il est question, dans ce polar, de l'histoire d'un meurtre qui a vu son exécutant relaxé par la justice après avoir fourni comme alibi un autre meurtre. L'enquête de police qui a été menée n'avait rien donné et le coupable fut relaxé par la cour, le procureur de la République ayant été confondu par les témoins de l'accusation et par les faits qui étaient plus que probants dans cette affaire. Inutile d'en rajouter plus, le lecteur découvrira par lui-même les péripéties et l'aboutissement de l'enquête.

Le Courrier d'Algérie : Vous comptez également, parmi vos thèmes, très hétéroclites, des récits de science–fiction, chose assez rare chez un auteur algérien. Ainsi, après Manar, l'enfant de l'espace,  vous avez signé La Sicile en proie aux Ovni-Atlantis...

Mohamed Boudia : Dans ce second roman de science-fiction, après Manar, la trame s'inspire d'une réalité sur le terrain d'une petite île sicilienne où l'on a enregistré des manifestations d'entités électromagnétiques qui ont porté atteinte aux populations résidant dans l'île. Des experts du monde entier sont venus s'enquérir de ces manifestations extraordinaires qui ont touché une partie de la population de l'île. Le thème du roman fait appel à plusieurs acteurs de la vie civile et militaire ainsi que sécuritaire pour tenter d'élucider les mystérieuses questions préoccupantes. L'auteur nous apprend, au détour de l'évolution de sa trame, qu'il est question de la présence d'une poignée d'entités renégates qui avaient fui d'Atlantis, cette terre engloutie qu'évoquait Platon, ou l'Atlantide engloutie au large du détroit de Gibraltar. Les nombreux savants et chercheurs conviés pour essayer de tirer au clair ces manifestations extraordinaires, vont même jusqu'à faire appel à des exorciseurs du Vatican qui concluent qu'il s'agissait-là de l'oeuvre de Satan ! Finalement, un professeur d'université et son ex-élève parviennent à dénouer l'énigme en donnant la vraie explication de ces phénomènes et leur situation dans le temps et l'espace. Et ce, après avoir pu entrer en contact direct avec ces entités nébuleuses qui ne sont autresque les descendants des habitants de la légendaire Atlantis… Comme quoi ce roman, semble nous suggérer l'idée qu'il ne faut jamais jurer de rien et qu'il convient de ne pas ignorer certaines manifestations qui nous touchent de près ou de loin, et d'en tenir compte. Moralité : nous n'avons pas tout étudié, ni ne sommes parvenus au summum de la science pour pouvoir affirmer que les Terriens sont les uniques êtres vivants et pensants de ces vastes immensités cosmiques dont on ignore tout de ce qu'elles pourraient réserver à l'humanité dans le futur ?

Le courrier d'Algérie : L'autre roman, Rapt au Sahara, publié chez Edilivre (Paris) semble s'appuyer sur des faits réels, très mouvementés et riches en rebondissements, que vous avez présenté sous une forme romancée voire "scénaristique". De même que vous avez commis un roman La cage et l'envol, sur les péripéties d'un jeune paumé partant à l'aventure sous d'autres cieux (pays d'occident) où il vivra d'intenses aventures, et à la trame également susceptible de servir de base à un "thriller" algérien, en cas d'éventuel intéressement des cinéastes comme vous le souhaitez. N'en disons pas plus.Parlez-nous à présent de vos tentatives d'essai M. Boudia...

Mohamed Boudia : Parmi mes tentatives d'essai, il y a tout particulièrement Réflexions sur l'éducation en Algérie. Ce livre retrace, en quelque sorte, les différentes phases par lesquelles a transité l'école algérienne durant ces dernières années. Un historique concernant l'école publique dans ses multiples aspects, une étude combien modeste de notre part mais qui pourrait contribuer, nous le pensons sincèrement, à la relance de l'éducation et de l'enseignement dans notre pays. Nous pensons avoir apporté un peu d'eau au moulin du secteur de l'éducation et de l'enseignement avec des propositions très modestes certes, mais qui pourraient apporte «un plus» aux élèves et aux professeurs, en concourant notamment à diminuer de l'intensité qui pèse sur leurs épaules depuis des décennies, conséquemment aux incessantes refontes de l'enseignement qui se suivaient et qui ne reflétaient nen rien les aspirations et préoccupations des uns et des autres, inhérentes au contexte purement éducatif et social. Dans cet ordre d'idées, nous nous sommes proposés de suggérer un modèle qui pourrait être entamé sans dépenses supplémentaires quant aux infrastructures existantes déjà. Pour le côté pédagogique, la création de quelques postes supplémentaires adéquats serait la bienvenue si nous voulons éviter les heures supplémentaires aux professeurs (même pas 5%) de l'effectif global des enseignants actuellement en poste. Il est indéniable que l'enseignement, tel qu'il est dispensé actuellement, ne fait qu'augmenter la déperdition scolaire et voue, par conséquent, tous les acteurs (enseignants et élèves) à une marginalisation pédagogique qui ne peut que nuire à l'envol de l'éducation et de la culture vers des rivages salvateurs. Aussi, il est urgent de faire participer aux réformes en cours, ceux qui font partie de la base de l'éducation, notamment dans l'Algérie profonde, afin de ne pas «autocratiser» l'enseignement comme cela s'est fait tout au long des années précédentes. Ce qui a amené les échecs en série de toutes les refontes de l'enseignement dans leur ensemble, comme on ne le sait que trop bien ! Le devoir de tout un chacun, actuellement, est de faire aimer l'école à l'enfant par des méthodes pédagogiques spécifiques et appropriées, et lui faire apprécier, tout particulièrement, la lecture et le monde des livres et des belles lettres pour davantage le motiver et en faire un émule de la culture et des arts, en général, au sein de la société éducative.

Le courrier d'Algérie :Un mot sur l'autre ouvrage à caractère historique, Algérie, mon histoire, édité au Canada chez Simpleedition...

Mohamed Boudia : Comme son titre l'indique, cet ouvrage tente de nous retracer le passé tumultueux de l'Algérie, en remontant jusqu'aux années 1800. Car la colonisation de l'Algérie, qui n'était pas une table rase avant 1830, ne date pas d'hier. J'ai essayé de faire revivre, dans un style direct et simple, les moments forts vécus par la nation algérienne, qui a été confrontée à tous ceux qui ont foulé son sol.

Le courrier d'Algérie : Certains de vos livres, publiés en France, ne sont pas du tout disponibles sur le marché algérien,  pourquoi donc ? Avez-vous des suggestions à proposer dans ce contexte ?

Mohamed Boudia : Leur disponibilité en Algérie relève d'un certain manque de cohésion existant au niveau de la Bibliothèque nationale qui ne semble point s'intéresser à de nouveaux auteurs. Par ailleurs, le prix affiché de ces romans n'est pas à la portée de la modeste bourse du citoyen algérien. Pour ce qui est des suggestions à proposer, c'est très simple : il suffirait que l'un des différents éditeurs prenne la peine d'accepter de les éditer ; le reste, l'auteur peut s'en charger, d'un commun accord avec les maisons d'édition initiales.

Le courrier d'Algérie : Que pensez-vous de l'état actuel de la littérature algérienne d'expression francophone ou dans sa dimension d'expression plurielle ?

Mohamed Boudia : La littérature algérienne francophone a pris une certaine ampleur depuis l'avènement du multipartisme et de la liberté d'expression (sic), mais elle est toujours au stade embryonnaire, car le lectorat existe. Le seul handicap pour l'auteur francophone actuellement, c'est la difficulté de se faire éditer en Algérie. Alors, la majorité se fait éditer on line ou à compte d'auteur en France ou au Canada. Les écrivains francophones foisonnent en Algérie, malheureusement ils sont méconnus du public algérien car il est quasiment impossible de trouver leurs livres et romans sur les étals des librairies algériennes. Concernant l' autre dimension plurielle de la littérature algérienne, en l'occurrence celle d'expression arabe et tamazigh, nous pouvons dénombrer beaucoup d'auteurs, connus ou méconnus, car en matière d'infrastructures libraires, nous sommes pratiquement le pays le plus dépourvu sur ce plan. Quoiqu'il existe effectivement un lectorat appréciable de la littérature algérienne d'expression arabe et amazighe, le marketing culturel reste totalement inexistant dans notre pays.

Le courrier d'Algérie : Pour clore cet entretien, un dernier mot. Avez-vous des projets en perspective ?

Mohamed Boudia : Je pense, pour ma part, qu'il n'est jamais trop tard pour bien faire, pour peu que les autorités en charge de la culture, tant à l'échelle locale que nationale, prennent en main la situation et essaient de créer des prix littéraires qui pourront drainer tous les auteurs algériens francophones, arabophones, amazighophones... La difficulté réside, en Algérie, dans le système de l'édition. Le système utilisé est celui de l'auto- édition où une participation assez conséquente est réclamée à l'auteur. C'est ce qui freine l'élan de créativité dans ce domaine. Notre système d'édition est très en retard par rapport à ce qui se pratique dans le monde. En effet, le système utilisé dans les autres pays, dits industrialisés, est le système numérique d'impression à la demande. Je m'explique : le tapuscrit est converti en fichier électronique et après en un seul clic vous pouvez tirer un ou plusieurs livres reliés à la demande. Les stocks de livres perdus n'existent plus et c'est pour cela que les éditeurs à l'étranger ne demandent pas d'apport de la part de l'auteur. Il lui est alloué une marge bénéficiaire de 10% sur les ventes. Pour conclure, je dirais que les services culturels devraient se pencher sur le problème et se mettre au diapason des innovations technologiques afin de donner un nouvel élan à l'édition. D'un autre côté, je pense qu'il faut encourager l'ouverture de librairies dans toutes les villes et villages d'Algérie afin de mettre le livre à la portée du lecteur potentiel qu'il faut dénicher pour l'amener à lire et à acheter le livre. Ce dernier doit reprendre la place qu'ilmérite dans la société. On devrait éduquer en tous lieux nos enfants à lire, à lire, à lire, partout, à l'école, à la maison, au centre culturel local, au parc, bibliobus, partout jusque dans les moyens de transports publics, en favorisant notamment débats et rencontres littéraires inter-jeunes, c'est assurément le meilleur moyen de les initier à la lecture et la culture, en général. Question projets, j'en ai finalisé plusieurs qui n'attendent que l'impression, de même que je compte d'autres projets d'écriture en gestation ou en phase de finition qui n'attendent qu'un petit déclic du monde de l'édition. Enfin, je ne termine pas sans oublier de saluer toute l'équipe du journal et ses lecteurs, en augmentation à travers le pays et à l'étranger.

Entretien réalisé

par Mohamed Ghriss (Courrier d'Algérie)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



12/12/2008
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