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"LA CITE DES ROSES" par Mouloud Feraoun (à titre posthume)

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En sa qualité de fils et, désormais, éditeur de son père : Mouloud FERAOUN

Rachid FERAOUN : « La Cité des Roses est le seul roman inédit qu’a laissé mon père »

mardi 6 mars 2007, par D. B.

Mouloud FERAOUN (Dda Lmulud N At Caban) est né le 8 mars 1913 à Tizi Hibel (At Mahmoud, Tizi Ouzou, Kabylie) et sera assassiné, par l’Organisation de l’Armée Secrète (O.A.S.), le 15 mars 1962 en compagnie de six de ses collègues des Centres Sociaux.

Il laissa derrière lui plusieurs oeuvres éditées : « Le Fils du Pauvre » (1949), « La Terre et le Sang » (1953), « Jours de Kabylie » (1954), « Les Chemins qui Montent » (1957), « Les Poèmes de Si Mohand » (1960), « Le journal 1955-1962 » (1962).

Mais aussi, et nous venons de le découvrir, une autre œuvre achevée et restée dans les tiroirs, jusqu’au jour où, son fils Rachid décide de l’en sortir. Sortie il y a quelques jours, elle est intitulée, à titre posthume : « La Cité des Roses » alors qu’elle devait s’intituler « L’anniversaire ».

Kabyle.com revient pour vous, dans cet entretien, sur cette nouvelle publication avec Rachid FERAOUN, fils cadet de Mouloud FERAOUN qui se retrouve, désormais, comme étant son éditeur.

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Rachid FERAOUN

Kabyle.com : Pour commencer, pouvons-nous savoir qui est Rachid FERAOUN ?

Rachid FERAOUN : Mon père a eu sept enfants, quatre filles et trois garçons : Ali, Mokrane, et moi, je suis le plus jeune des trois.

Kabyle.com : Vous venez d’éditer un roman posthume de notre grand écrivain Mouloud FERAOUN, qui n’est autre que votre père, parlez-en nous ?

Rachid FERAOUN : Quand il a écrit ce roman, mon père rédigeait, en même temps et depuis 1955, « Le Journal », où, par souci d’exactitude, il devait s’interdire toute subjectivité. Il s’est autorisé ce roman pour pouvoir, enfin dire, ses sentiments ou plutôt ses ressentiments par rapport aux faits qu’il avait jusque-là objectivement relatés dans « Le Journal ».

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« La Cité des Roses » de M. FERAOUN

Kabyle.com : Celui-ci est intitulé : « La Cité des Roses », est-ce le titre voulu par l’auteur ou un autre ?

Rachid FERAOUN : Non, ce n’est pas le titre original, l’auteur avait donné pour titre à ce roman « L’anniversaire ».

Kabyle.com : Pourquoi avez-vous accepté que ces deux titres soient interchangés, il aurait été plus judicieux de rétablir la vérité non ?

Rachid FERAOUN : Les titres n’ont pas été intervertis. « La Cité des Roses » devait avoir pour titre « L’anniversaire ». Ce titre ayant déjà été utilisé, en 1972, pour un recueil réunissant quatre chapitres d’un roman qu’il était entrain d’écrire et à qui il n’avait pas encore donné de titre, des souvenirs, des publications et la suite du « Fils du pauvre ». Il a bien fallu alors donner un autre titre à cet ouvrage. Celui de sa première partie semblait tout indiqué.

Kabyle.com : Cette même œuvre avait été proposée, par l’auteur lui-même, à son éditeur de l’époque, expliquez-nous les raisons qui ont fait qu’elle ne soit pas éditée ?

Rachid FERAOUN : Il était difficile, en 1958, pour les Français de comprendre ce qui se passait en Algérie. Les manifestations du 13 mai 1958 qui ont permis aux gaullistes de prendre le pouvoir ont été considérées comme une victoire des pieds-noirs. Pour eux et pour beaucoup de Français en métropole, l’Algérie resterait Française.

Un roman traitant d’un divorce des communautés, de la fin d’une « aventure » entre la France et l’Algérie, ne pouvait être d’à-propos. Soucieux des attentes de son lectorat son éditeur lui a suggéré d’en faire plutôt une grande histoire d’amour, « dans le style du film : « Brève rencontre », « une princesse de Clèves » kabyle dans une situation que n’avait pas prévu Mme de Lafayette », lui écrit son éditeur.

Kabyle.com : Pourquoi, de votre côté, avez-vous attendu tout ce temps pour entamer enfin cette édition ?

Rachid FERAOUN : Après la mort de mon père les éditions du « Seuil » ont continué à éditer ses ouvrages. D’abord, « Le Journal » en 1962, puis une réédition de « Jours de Kabylie », édité tout d’abord par « Baconnier », suivi de « Lettres à ses amis » en 1969.

Quand, en 1972, elles éditèrent un livre qu’elles intitulèrent : « L’anniversaire » c’était, pour nous, un peu comme si elles avaient passé au pilori ce roman. Il faut aussi se rappeler qu’à l’époque, dans les universités algériennes, des « professeurs », certainement beaucoup moins nationalistes que lui, « enseignaient », aux étudiants en Lettres, qu’il avait produit une littérature « assimilationniste » et « pro coloniale » ou s’en prenait à son écriture qu’ils jugeaient trop scolaire. Dans ce climat, éditer ce livre aurait été perçu comme une justification. Nous avons préféré alors éviter toute polémique. Il faut dire qu’il n’y avait aucune voix, à l’époque, pour rappeler qu’il avait subi la censure et qu’il avait été persécuté que ce soit en Kabylie ou à Alger. Il a fallu attendre les années 1990 pour que des lectures plus objectives soient enfin faites de ses œuvres.

Si, aujourd’hui, nous avons enfin décidé de faire paraître ce roman, c’est d’une part parce qu’il est plus facile, pour le public algérien, qui a subi bien des malheurs ces dernières décennies, de mieux le comprendre, d’autre par parce qu’il est un témoignage qui peut aider les plus jeunes d’entre nous à estimer le prix qu’il a fallu payer pour bénéficier de ce qu’on se complait ailleurs à appeler « les bienfaits de la colonisation », et, enfin, pour qu’il prenne naturellement sa place auprès des autres romans qu’il a écrits afin que son œuvre soit aussi complète que possible.

Kabyle.com : Est-ce le dernier manuscrit existant de Mouloud FERAOUN où existe-t-il d’autres ?

Rachid FERAOUN : C’est le dernier et le seul roman inédit qu’a laissé mon père. Il y a bien un cahier journal, celui qu’il a écrit juste avant sa mort qui, alors que tous les autres cahiers avaient été scrupuleusement transcrit, n’a pas été complètement édité dans « Le Journal ».

Kabyle.com : Quand pensez-vous l’éditer et parler en nous ?

Rachid FERAOUN : Je souhaiterais rééditer « Le Journal » pour y inclure le dernier cahier dans son intégralité afin que l’œuvre de Mouloud FERAOUN soit aussi fidèle que complète.

Kabyle.com : Le roman a été édité par « YamCom », une maison d’édition que vous avez fondée, pensez-vous que les existantes n’auraient pas transmis le message ?

Rachid FERAOUN : Elles auraient certainement pu le faire, mais je tenais à vivre l’édition de ce roman, depuis la frappe jusqu’à la mise en page et la conception de la couverture, quand à la correction je l’ai confié à mes sœurs.

Kabyle.com : Allez-vous travailler, dans ce sillage, à la récupération des droits sur toutes les œuvres de votre père pour, ainsi, les rééditer librement ?

Rachid FERAOUN : Avant d’envisager la réédition de ses œuvres, je pense commencer déjà par mettre un peu d’ordre dans la reproduction des romans qui sont édités sans aucune autorisation par des maisons d’édition peu scrupuleuses.

Kabyle.com : Certaines œuvres ont fait l’objet de reproductions médiocres, une maison d’édition locale commercialise une version du « Fils du pauvre » pleine d’erreurs d’orthographe, que pensez-vous de cela ?

Rachid FERAOUN : Sachez que toutes les œuvres éditées, en Algérie, sont toutes des éditions pirates.

Kabyle.com : Quelques jours nous séparent de la commémoration du 45ème anniversaire de l’assassinat de Mouloud FERAOUN, qu’est-il prévu cette année ?

Rachid FERAOUN : Il y a déjà la parution de ce roman. Différentes autres manifestations sont prévue, que ça soit à Alger comme, entre autres, la rencontre littéraire qui a été organisée par la Bibliothèque Nationale d’Algérie le 4 mars dernier.

À Tizi Ouzou, un colloque est prévu pour la deuxième semaine de mars, il sera également précédé par l’organisation d’une semaine de présentation de cet ouvrage par la librairie Chikh du 2 au 8 mars 2007.

Entretien réalisé pour Kabyle.com par : Djamel BEGGAZ



31/01/2011
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