CULTURE A CHLEF - EL ASNAM -

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Maamar Farah à l'honneur

Article paru dans le quotidien "Le Soir d'Algérie" du 02 Juin 2009

MAÂMAR FARAH INVITÉ

DU CAFÉ LITTÉRAIRE DE          CHLEF

     Une fête !

«Je suis agréablement surpris par la qualité des interventions et le bénévolat admirable des membres du Cercle littéraire pour promouvoir la culture, et en particulier la littérature.» Cette impression de M. Maâmar Farah sur Radio Chlef a eu un effet balsamique sur ces intellectuels victimes d'un ostracisme sidérant et d'un grand mépris de la part de ceux-là mêmes qui sont censés les épauler dans leur acte d'écrire. C'est la bibliothèque de la wilaya qui abrite l'évènement. Les responsables culturels de la ville se sont excusés, trop épuisés par les efforts titanesques qu'ils livrent quotidiennement pour promouvoir la culture ! Qu'à cela ne tienne, un travail d'information remarquable a été fourni par M. Boudia qui a lancé une invitation générale à travers les ondes de la radio locale et a procédé à un affichage judicieux. L'annonce de la présence de M. Farah a drainé beaucoup de monde, à telle enseigne que la salle du Café littéraire s'est avérée trop exiguë pour contenir tous les participants. Outre les habitués de la bibliothèque, il y avait les étudiants du département de français, accompagnés de leur professeur le Dr Aït-Djida, ainsi que les amoureux des belles lettres. Maâmar Farah a eu le privilège d'être accueilli par les élèves de l'école de musique El-Afrah, dirigée par Hamid Belmokhtar. Ils nous ont gratifiés d'un magnifique morceau de musique chaâbi. Alors que le romancier journaliste effectuait sa vente-dédicace, M. Mohamed Tiab, historien, président du bureau de l'Union des écrivains algériens, a donné une conférence à l'occasion de la commémoration du 166e anniversaire de la création de la ville de Chlef en 1843. M Boudia Mohamed a procédé à la présentation de l'invité. Maâmar Farah, journaliste, commentateur, reporter, éditorialiste, est né à M'daourouch, dans la même ville qu'Apulée de Madaure, le premier romancier de toute l'histoire. Heureuse coïncidence. Il commence sa carrière au journal An Nasr, en 1970, avant d'intégrer El-Moudjahid en 1972. Ensuite, il lance Horizons et en sera le premier directeur de la rédaction. Avec quatre journalistes et à la faveur de l'avènement de la presse indépendante en 1990, il met sur pied le journal Le Soir d'Algérie et occupe le poste de directeur de la rédaction jusqu'en 1992. Actuellement, il anime une chronique hebdomadaire et un billet quotidien «Pause-Café». M. Boudia va présenter ensuite les principales oeuvres.- Les Sirènes de Cap Rosa : à l'origine c'est un scénario pour la télé refusé par la commission de lecture de la télévision. C'est l'histoire du rêve brisé de deux jeunes liés par une intense amitié dans l'Algérie des années 1970.

- Le rêve sarde parle de la harga et de tous ces jeunes qui utilisent des barques rudimentaires pour atteindre la Sardaigne. Il est question de Karim, la soixantaine, qui tente la même expérience avec six jeunes. Puis il retournera au «bercail» pour repartir avec un visa en bonne et due forme et va s'occuper des jeunes qui arrivent par la mer, en espérant que la bêtise humaine reculera.

- Express de nuit : dans des trains qui filent dans la nuit noire, des vérités dites par des femmes et des hommes que l'on ne verra plus et qui s'en iront, noyées dans la foule des grosses rames.

- Soleils d'hiver rassemble 18 nouvelles traitant du désespoirdans nos cités modernes.

- Enfin 300 Pause-Café est un recueil de billets parus dans Le Soir d'Algérie.

Le débat s'ébranle au pas de charge. Les questions se focalisent sur le phénomène de la harga. Les intervenants axent leurs interventions sur le côté matériel lié au manque de travail et d'argent. Maâmar Farah balaye cette assertion d'un revers de la main. Le conférencier, tout en réfutant cette thèse avancée, note que les raisons économiques n'expliquent pas tout. Il étaye son propos par l'exemple de tous ces jeunes qui ont un travail stable et des revenus substantiels et pourtant veulent partir. L'amélioration des techniques de communication a favorisé ce phénomène. Au début est apparue la parabole qui nous renvoie l'image d'Européens épanouis puis c'est le numérique qui nous montre des pays arabes, avec moins de richesses, et pourtant où les jeunes ont l'air de se plaire dans leur environnement, et le coup de grâce est venu de l'Internet qui va permettre à ces jeunes d'entrer directement avec ces Italiens qu'ils veulent rencontrer. Ce mal de vivre est aggravée par l'absence de valeurs, de civisme et de repères. L'archaïsme béat et l'implosion de la cellule familiale éludant toute notion de solidarité et de «rodjla» ont fini par assombrir un tableau déjà malmené par le népotisme, la corruption qui effacent toute notion de mérite pour revaloriser la médiocrité à tous les niveaux et dans tous les secteurs. Il y a eu aussi des questions sur la difficulté à se faire éditer. M. Farah pense que l'absence de mécènes dans ce domaine est préjudiciable à la création. Pour ce qui de la polémique sur la littérature d'urgence, le conférencier soutient qu'il faut croire à ce que l'on écrit sans se focaliser sur le genre et les règles. A ce propos, il précisera : «Je ne suis pas un écrivain dans le sens littéraire du terme. Je n'ai pas cette prétention. J'écris dans un quotidien et je sais que la vie d'un journal de ce type est très courte. Il est important quand on l'achète mais, quelques heures après, isert d'emballage aux fruits et légumes ou finit dans les poubelles ! J'ai voulu aller plus loin, réaliser en quelque sorte des reportages romancés qui s'inscriront dans la durée, en tant que livres. C'est un besoin urgent de témoigner, de dire aux gens : réveillez-vous ! Il y a des situations absurdes dans notre vie quotidienne et tous ceux qui continuent de vivre dans la rationalité, de penser qu'ils sont bel et bien au XXe siècle, sont marginalisés dans leur propre société. Je ne reconnais plus mon peuple. Je suis étranger chez moi…» M. Farah est apparu avec une grande modestie et son langage était clair et sans ambiguïté. Il a fait montre d'un sens inné de la communication et du contact humain. A la fin de la conférence, un écrivain me lance : «Quelle coupe rafraîchissante pour un après-midide mai !» Que du bonheur !

Medjdoub Ali



02/06/2009
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