Abou Hourayra est principalement
connu par son surnom et non par son nom ou par son affiliation familiale
comme le veut la tradition. Un surnom dont on ignore l’origine exacte,
puisque son porteur en proposa lui-même deux versions explicatives
différentes...
1- Une carte d’identité pour le
moins suspecte…
Il disait, d’une part, que son surnom représentait un héritage
patronymique. En raison de la petite chatte – Hourayra – avec
laquelle il jouait quand il était tout petit (1), sa famille
l’aurait donc surnommé Abou Hourayra. Mais il expliquait aussi,
d’autre part, que c’était le prophète Mohammad(2). qui lui avait
attribué ce surnom puisqu’il possédait une petite chatte et qu’il prenait
soin d’elle
Pour l’essentiel, Abou Hourayra n’était pas connu par son vrai
nom, ni avant ni après son arrivée à Médine. D’ailleurs, historiens
et biographes divergent au sujet de son vrai nom et de celui de son père.
An-Nawawi a choisi parmi 30 versions possibles Abd al-Rahman ibn Sakhr
Ad-Dawsi comme nom plausible d’Abou Hourayra (3).
Ibn Hajar Al Askalany cite dans son livre Al-Issabah
Fi Tamyize As-Sahabah – en arabe – 44 versions différentes du nom
de Abou Hourayra et du nom de son père (4)! Dans le
même esprit, le biographe Ad-Dahbi dresse la liste dans son livre Siyar
Aâlam An-Noubala de différents noms probables. Abou Hourayra
se nommait peut être Ibn Ghaname ou Abd Chamse ou Sakine
ou Amer ou Abou Al Assowad…etc.(5)
Dans son livre Des hommes autour du prophète, le
biographe contemporain Khalid Mohammad Khalid présume qu’Abou
Hourayra s'appelait Abdchams qui se traduit par « l’adorateur
du soleil » (6). La seule information que les biographes
affirment avec certitude est que sa mère portait bel et bien le nom d’Oumaymah
fille de Sabih (7).
Comment se fait-il que ces biographes ignorent le nom de son père et
semblent être sûrs de celui de sa mère ? Comment explique-t-on, sinon,
toutes ces divergences qui ne concernent pas seulement un détail de la vie
de Abou Hourayra mais un élément manifestement fondamental de son
identité : son nom et le nom de son père ?
Les biographes ignorent aussi l’année de sa naissance et sa fonction au
Yémen, son pays natal, avant son arrivée à Médine ! La
seule information que l’on trouve est ce que lui-même avait raconté en
parlant de sa vie antérieure : toutes ses misères endurées, d’après
ses dires, dans sa vie d’orphelin et d’analphabète (8). Aucune
autre personne le connaissant de près n’a pu donner d’informations
supplémentaires ni corroborer ce qu’il a pu dévoiler de son curriculum
vitae. On est presque pris en otage par des informations, assez souvent
contradictoires et étranges, que Abou Hourayra n’a cessé de
divulguer même bien plus tard sur son propre passé !
2 - … suivie d’une conversion bien
tardive !
Les choses se compliquent encore davantage lorsqu’il s’agit de chercher
à savoir la période exacte pendant laquelle il vécut avec le prophète… Des
biographes et historiens médiévaux affirmaient, en se basant sur un
récit d’Abou Hourayra, qu’il eut embrassé l’islam en l’an 7 ou 8 de
l’hégire au moment de la répartition du butin de l’expédition de Khaybar (9) !
Depuis, il se fut tenu en compagnie du prophète jusqu’à sa mort, 3
ou 4 ans plus tard. D’autres confirmaient que même s’il avait
embrassé l’islam pendant cet événement, il ne resta en compagnie du
prophète que durant 1 an et 9 mois ; confirmation se
basant bien évidemment sur un autre récit de Abou Hourayra !(10).
En effet et à en croire cette dernière version, le prophète l’eut
envoyé avec un groupe de compagnons, sous l’égide de Abou Al Alaa Al
Hadramiy(11), pour résider à Bahreïn loin de Médine
essentiellement à cause de ses comportements gênants à l’égard de tout son
entourage(12)!
Certains avancent l’idée d’un « ostracisme » doux de Abou
Hourayra de l’espace médinois. Il se serait donc agi d’une mise à
l’écart pédagogique, afin d’inciter Abou Hourayra à trouver un
travail rémunérant et valorisant. Puisque sans activité productive, il
préférait rester à la charge des bienfaiteurs, en résidant dans un lieu
appelé As-Soffah attaché à la mosquée/Al-Jami’i du prophète
et réservé aux compagnons sans domicile fixe.
Il reconnaissait dans des Hadiths authentiques (!) –
et donc considérés comme avérés – qu’il suivait des gens, comme Omar Ibn
Al Khattab et Jafar Ibn Abi Taleb, dans les ruelles de Médine
jusqu’à leurs demeures en mendiant, qu’il s’invitait abusivement chez eux,
qu’il faisait semblant de vouloir apprendre le Coran, mais qu’en vérité, il
ne cherchait qu’à mettre ces hôtes/cibles dans des situations
embarrassantes pour qu’ils lui donnent de quoi se nourrir et se vêtir(13).
Néanmoins, je ne suis pas en train de me moquer de la pauvreté supposée de Abou
Hourayra. Ce qui m’intéresse dans son histoire c’est -1) de
comprendre les raisons pour lesquelles il fut envoyé si loin de Médine
quelques mois après son arrivée et –2) pourquoi pas de réussir à mettre la
main sur la clef qui nous permettra enfin d’enrichir notre compréhension de
ce personnage paradoxal, énigmatique et pourtant très présent dans
l’inconscient collectif des sunnites.
Mohamed LOUIZI (A suivre…)
Notes :
1- Ad-Dahbi, Siyar A’alâm An-Noubala’a, source
Internet : <!--[endif]-->
http://www.al-hakawati.net/arabic/Civilisations/book20a188.asp
(Même information se trouvant dans : Mahmoud Abou
Rayyah, op.cit., p.49)
<!--[if !supportLists]-->2- Ibid.<!--[endif]-->
<!--[if !supportLists]-->3- Mahmoud Abou Rayyah, op.cit.,
p.48<!--[endif]-->
<!--[if !supportLists]-->4- Ibid, p.48<!--[endif]-->
<!--[if !supportLists]-->5- Ad-Dahbi, op.cit., source Internet<!--[endif]-->
<!--[if !supportLists]-->6- Khalid Mohammad Khalid, Des hommes autour du prophète, Dar Al-Kotob Al-Ilmiyah, Beyrouth,
2001, p.146 (Traduction française : Abdou Harakat)<!--[endif]-->
<!--[if !supportLists]-->7- Ad-Dahbi, op.cit., source
Internet<!--[endif]-->
<!--[if !supportLists]-->8- Mahmoud Abou Rayyah, Adwa’a Ala As-Sunna Al-Mohammadiah, Dar Al-Maârif, le Caire, 1957,
p.180<!--[endif]-->
<!--[if !supportLists]-->9- Mahmoud Abou Rayyah, op.cit., p.169<!--[endif]-->
<!--[if !supportLists]-->10- Mahmoud Abou Rayyah, Abou Hourayra cheikh Al Madirah, p.69 <!--[endif]-->
<!--[if !supportLists]-->11- Abou Al Alaa Al Hadramiy
est l’émissaire que le prophète avait envoyé à Al Moundir Ibn Sawa, gouverneur de Bahreïn (*) <!--[endif]-->
(*) - Mohamed Al Ghazali, Fiqh As-Sirah, Dar Ac-Chourouk, le Caire, 2000, p.276 (en arabe)
<!--[if !supportLists]-->12- Mahmoud Abou Rayyah, Abou Hourayra cheikh Al Madirah, p.69-71<!--[endif]-->
13- Ibid, p.55-60
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