CULTURE A CHLEF - EL ASNAM -

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CIVISME ET SOCIETE - TUNISIE et MAINTENANT par C4NEWS

Tunisie : et maintenant ?...

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18 Jan 2011
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 Avertissement :

Par définition, cet article est librement ouvert aux commentaires des lecteurs de Come4News, en particulier à ceux de nos amis Tunisiens qui pourraient avoir une vision de la situation beaucoup plus autorisée que celle de l’auteur.

Mais l’expérience ayant démontré encore très récemment que cette liberté se paye du prix d’une dérive quasi inéluctable vers les phantasmes de deux ou trois illuminés, l’auteur se réserve le droit, faute d’avoir capacité à supprimer ces pseudo-commentaires, de vider l’article de sa substance, ne laissant subsister que le présent avertissement, dès le premier signe des bruits parasites.

Voici maintenant quatre semaines que le désespoir a conduit un inconnu, probablement inconsciemment, sur les traces de Jan Palach, quarante et un ans, un mois et un jour après le geste de son modèle. Pour Mohamed Bouazizi, il ne s’agissait en effet pas de protester contre une invasion étrangère mais d’abdiquer à tout jamais devant l’impossibilité de se délivrer des exactions d’un ennemi de l’intérieur.

Le 7 novembre 1987, l’ex-président Zine El-Abidine Ben Ali destituait Habib Bourguiba, par un coup de force justifié par l’incapacité temporaire du "Combattant Suprême", litote constitutionnelle pour ne pas évoquer la sénilité du vieux Raïs, alors âgé de 84 ans ; exerçant son pouvoir solitaire depuis un peu plus de trente ans, il avait usé quatre premiers ministres jusqu’au coup de force du cinquième, qu’il n’avait pourtant nommé que depuis un mois et cinq jours. Il est vrai que déjà en 1973, la rumeur évoquait le fait que les cendriers volaient bas, dans son bureau du palais présidentiel de Carthage, lors de ses colères légendaires…

Par un surprenant bégaiement de l’histoire, c’est sur le même argument que devait s’appuyer Mohammed Ghannouchi pour annoncer, le 14janvier 2011, qu’il prenait la succession du fuyard, avant de réaliser le mauvais goût qu’il manifestait en se réclamant de cet exécrable précédent et de s’effacer, l’incapacité étant depuis l’arrivée à Djeddah devenue définitive, derrière Fouad Mbazaa, désigné comme le numéro deux de l’appareil politique par la Constitution, en sa qualité de président de l’Assemblée nationale.

De la même façon, une autre rumeur attribuait également à l’époque la réalité du pouvoir à sa seconde épouse, Wassila Bourguiba, née Ben Ammar ; un demi-siècle plus tard Leïla Ben Ali, née Trabelsi, devrait suivre le même détestable chemin !... C’est dire si l’histoire a tendance à se répéter dans ce pays et cela explique sans aucun doute la prudence avec laquelle les  annonces les plus récentes sont parfois considérées, certains se souvenant des déclarations du 7 novembre (« l'époque que nous vivons ne peut plus souffrir ni présidence à vie ni succession automatique à la tête de l'État desquels le peuple se trouve exclu. Notre peuple est digne d'une vie politique évoluée et institutionnalisée, fondée réellement sur le multipartisme et la pluralité des organisations de masse ») par celui qui devait par la suite tordre le bras à la Constitution pour se présenter par cinq  fois à l’élection présidentielle.

Ceux qui associent hâtivement islamisme et Tunisie n’ont pas vu le Président Bourguiba, dans les années 70, boire ostensiblement un verre d’eau lors d’une allocution télévisée en plein Ramadan ; ils ne l’ont pas non plus entendu proclamer que maintenir la femme dans son statut traditionnel reviendrait à se priver de la moitié des compétences et des forces vives de la nation.

Et ils ne savent pas, au moment où Madame Faouzia Charfi fait une entrée remarquée au gouvernement (ce qui n’est pas si courant dans les pays arabes et pas tellement ancien, non plus, dans nos pays occidentaux…), que l’avortement est légal en Tunisie depuis 1973 et qu’il y est pratiqué ‘sous X’, c’est à dire que la patiente dépose à son entrée dans l’établissement hospitalier une enveloppe recélant son identité, qui n’a vocation à être ouverte qu’en cas d’accident fatal.

Enfin, ils ignorent certains ressorts de la finesse diplomatique. Ainsi, lors de la guerre des six jours, en 1967, la Tunisie, état arabe, ne pouvait pas faire moins que de lever un contingent. Mais au lieu de l’expédier sur le théâtre des opérations par la voie aérienne, comme les autres pays, elle choisit de lui faire emprunter la route. Il fut acclamé et honoré dans le moindre des villages traversés à l’occasion, pavoisés de banderoles à la gloire des « libérateurs » ; tant et si bien que le conflit était terminé lorsque le convoi parvint à la frontière de la Lybie…

Pour autant, il ne faudrait pas sombrer dans l’angélisme : nonobstant le bilan économique et social « globalement positif » (les guillemets pour rappeler que cette expression fut naguère, dans de toutes autres circonstances, l’objet d’un fameux contre-sens…), les années Bourguiba ne furent pas exemptes d’arrestations et de détentions parfaitement arbitraires. Au point sans doute d'expliquer que ceux qui ne l’avaient pas oublié, parmi les plus illustres, aient pu se laisser abuser en toute bonne foi aux premiers temps du benalisme.

L’aboutissement de ce qui se passe aujourd’hui en Tunisie sera déterminant pour l’équilibre du monde, selon qu’il ouvrira l’ère nouvelle de l’émergence démocratique en terre d’Islam ou ne sera qu’une péripétie supplémentaire dans  la série des espoirs et des rêves déçus. Il devrait donc nous interpeler au moins autant, et davantage même, que l’incertaine issue des interventions hasardeuses conduites en Afghanistan et en Irak ! C’est ce que l’on commence tout juste de pressentir en Algérie, où le héros de Sidi Bouzid fait des émules, non pas au nom d’une idéologie mais en prenant au mot le rond-de-cuir qui éconduisait ses demandes en l’éclaboussant d’un cynisme éhonté (« Si tu n’es pas content, fais comme nos voisins !... »). Et en Égypte aussi, où nous dit-on Hosni Moubarak hésiterait désormais à désigner son fils comme successeur officiel, une coutume que l’on croyait cantonnée à la Corée du Nord.

L’élimination (paisible) de tout régime autoritaire et corrompu est en effet une mauvaise nouvelle pour cette forme accomplie de la pire extrême-droite qu’est l’islamisme intégriste ; elle le prive du terreau sur lequel il prospère, celui de l’écœurement précédant de peu la démission citoyenne. Le foisonnement que l’on constate en particulier sur Facebook montre que la jeunesse tunisienne est aux antipodes d’une telle résignation, mais qu’elle se sent tout au contraire concernée, partie prenante et solidaire comme en témoigne l’image symbolique qu’elle s’est choisie comme signe de ralliement.

C’est ce que l’on aurait intérêt à réaliser le plus vite possible également dans notre pays, qui ne s’est pas plus montré à son avantage pendant les quatre dernières semaines qu’il ne l’avait fait au cours des vingt-trois années précédentes ! Pas une voix officielle pour dénoncer la répression sanglante, au moment même où la télévision nous montrait l’image de ce jeune homme qui, ayant dessiné une cible sur son tee-shirt, en donnait le mode d’emploi :« Tirez ! »… Les silences des uns valaient finalement mieux que les monstrueuses maladresses des autres ; fort heureusement, ces écarts ne tireront vraisemblablement pas à conséquence car le peuple tunisien nous a déjà démontré qu’il ignorait la rancune. Que les éminents auteurs de ces bourdes magistrales cependant, qu’ils officient à la Culture ou aux Affaires Étrangères, ne s’étonnent pas trop s’ils devaient désormais n’être plus autant persona grata qu’ils le furent jusqu’à un passé récent.

Mais il est encore trop tôt pour dresser un bilan significatif ; le mouvement semble ne pas devoir encore toucher à sa fin. L’annonce de la composition du gouvernement, où des dosages sûrement subtils n’ont fait entrer l’opposition et la société civile qu’à dose homéopathique, suscite de nombreuses réactions, souvent indignées.

Moncef Marzouki, par exemple, interviewé sur i>TELE par Robert Ménard le 17 janvier, dénonce une mascarade. Un point de vue que semble partager le lendemain le syndicat UGTT, dont trois membres démissionnent du gouvernement dit « d’union nationale » où ils avaient été nommés la veille ! Pour sa part, Taoufik Ben Brik reprend à son compte sur France Inter le 18, le slogan selon lequel seul le dictateur est parti, alors que le système de la dictature reste en place, avec les mêmes techniques et les mêmes pratiques. Selon lui, celui-ci continue de se livrer avec la même vigueur à la censure et au piratage des téléphones portables et du courrier électronique, à travers la complicité (au moins passive) de Tunisie Télécom et de l’Agence Tunisienne de l’Internet (voir ici, ici ou encore ici).

Alors, et maintenant ? Une révolution fut-elle du jasmin (et non pas « au » jasmin, puisque c’est ainsi que Ben Ali avait baptisé la sienne) ou de l’alfa (matériau que Taoufik Ben Brik considère plus représentatif du gouvernorat de Kasserine, berceau de l’insurrection) ne produit pas ses effets en un tournemain. Après celle « des œillets », par exemple, il aura fallu une année (jour pour jour) pour que soit élue une Assemblée constituante, puis une année de plus (toujours jour pour jour) pour que Mario Soares accède au pouvoir et dix ans supplémentaires pour qu’il soit élu président.

Il est vrai que contrairement à ce qu’a vécu la Tunisie, l’initiative du mouvement était revenue aux militaires portugais. Mais on peut noter une autre différence de taille : il ne leur était pas venu à l’esprit l’idée surréaliste et pour tout dire saugrenue de charger Marcello Caetano, premier ministre de Salazar, d’assurer la transition !

Pour conclure, signalons que la situation évolue à une vitesse telle que cet article pourrait fort bien s’avérer obsolète avant même sa publication…



20/01/2011
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